Le projet de fusion UPEC-UPEM
Conseil d’administration de l’UPEC du 26 juin 2015
Le rôle du Conseil départemental
En tant que conseillère déléguée à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, je représente le Conseil départemental auprès des établissements d’enseignement supérieur du Val-de-Marne. A cet effet, l’Université Paris Est Créteil (UPEC) prévoit dans ses statuts un collège des personnalités extérieures ayant droit de vote au conseil d’administration. Au vu des nombreux partenariats entre le Conseil départemental et l’université, cette présence est bienvenue et souhaitable.
Depuis que je suis entrée en fonction et pris la succession de Madame Liliane Pierre sur la délégation Enseignement supérieur et recherche, j’ai suivi avec attention le processus de création de la Nouvelle Université1, qui consiste principalement en la fusion entre les universités Paris Est Créteil (UPEC) et Marne-la-Vallée (UPEM).
Le projet de fusion UPEC-UPEM guidé par la politique de l’Etat en matière d’enseignement supérieur
La direction de l’UPEC souhaite construire un pôle universitaire fort dans l’est parisien, afin de maintenir sa place face aux établissements de la capitale, Condorcet (Paris 8) et Paris Sud (Paris 11). Ce pôle universitaire que souhaite la direction de l’UPEC répond aux exigences de l’Etat en matière de regroupement des universités. En effet, les lois Pécresse2 et Fioraso3 sont placées sous le signe des rapprochements et fusions entre universités partout en France, conditions sine qua non pour obtenir des fonds de l’Etat en matière de recherche et de formation, notamment dans le cadre des contrats de site4 (négociés à l’échelle de la COMUE5) et le CPER6.
Par le passé, le Conseil départemental s’est déjà abstenu lors de CA de l’UPEC sur le processus de fusion entre les deux universités. Cette abstention n’était pas un signe de défiance vis-à-vis de la direction de l’UPEC. C’était le signe d’une désapprobation de la logique financière qui s’imposait aux universités dans notre pays.
En effet, les lois Pécresse et Fioraso contraignent aux regroupement et fusions entre établissements pour des logiques extérieures à la recherche des enseignants-chercheurs ou à la formation des étudiants. L’objectif est double : être présent et bien classé au sein des classements internationaux des universités, comme celui de Shanghaï7 (voir ici), et être plus autonome sur le plan financier. Or les classements sont biaisés : la recherche en sciences humaines et sociales est méprisée aux dépens des sciences dites « dures », les laboratoires doivent nécessairement être affiliés à une université pour être comptabilisés (or en France le CNRS8 très productif et prolifique n’est pas affilié à une université – voir ici)9, la qualité des publications scientifiques est évaluée en fonction de la réputation des revues scientifiques où l’influence anglo-saxonne est très puissante etc. En poussant aux fusions d’universités, l’Etat veut fusionner des laboratoires et des formations afin de les rendre plus visibles sur le plan international, et réaliser des économies d’échelle. Ainsi, l’ancrage territorial d’une université est délaissé, la formation mise au second degré, l’objectif étant de favoriser l’excellence académique de quelques laboratoires et leur visibilité internationale.
La position du Conseil départemental
Par conséquent, la position du Conseil départemental face au processus de fusion de l’UPEC et de l’UPEM est double. Un rejet de la logique de fusion initié par les gouvernements successifs, mais la conscience que les directions d’universités ne peuvent faire autrement que fusionner pour obtenir des fonds, survivre à la concurrence des établissements qui est devenue la règle. Pour ces raisons, le Conseil départemental du Val-de-Marne, s’il ne l’approuve pas, comprend néanmoins le principe de création de la nouvelle université.
Les directions de l’UPEC et de l’UPEM ont engagé un processus de concertation d’ampleur avec un grand nombre d’acteurs internes aux deux universités (enseignants, étudiants, syndicats, les salariés œuvrant dans les domaines administratif et technique,) mais aussi avec des acteurs extérieurs, dont les services du Conseil départemental. Cette volonté de démocratisation et d’appropriation de la fusion est une bonne chose, et une bonne manière de travailler.
Cependant, le Conseil départemental avait aussi ses inquiétudes et interrogations quant au processus de fusion. Nous demandions ainsi à Luc Hittinger, président de l’UPEC des garanties concernant :
- le maintien de la localisation de la présidence et de ses services administratifs sur le département du Val-de-Marne, afin d’entretenir une relation étroite avec la direction de la nouvelle université et maintenir des emplois sur le territoire.
- Le maintien et la non-délocalisation de l’offre de formations en particulier en licence sur les sites de l’UPEC. L’UPEC, très insérée sur le territoire, est facilement accessible pour les étudiants, ce qui n’est pas le cas du site de Marne-la-Vallée. Or pour des étudiants en licence, parfois fragiles et potentiellement décrocheurs, il est essentiel de conserver des conditions d’études optimales en termes d’accessibilité.
En effet, Historiquement, l’UPEC a donc toujours promu une logique de territoires et d’alliances avec les acteurs locaux, qu’ils soient publics, privés ou associatifs. Depuis ses débuts, l’université travaille à se rendre accessible à ses étudiants, ce qui lui permettait d’accueillir des bacheliers issus des classes populaires. Sans cette politique, l’université aurait un autre visage : certes celui de l’excellence académique, mais aussi celui de la sélection, de l’exclusion sociale, d’une élite universitaire éloignée des problématiques territoriales de ce département que chacun sait complexes.
Le Département est aussi sensible au respect de la démocratie dans le cadre de ce processus ouvert, et d’une gouvernance de la nouvelle université, qui soit le fruit d’une juste négociation entre les deux universités. Or, contre toute attente, et contre les directeurs d’UFR et les syndicats d’enseignants et de personnel administratif et technique, la direction de l’UPEC a proposé un schéma de gouvernance de la nouvelle calquée sur celui l’UPEM, dans laquelle les UFR (Unités de formation et de recherche) n’existeraient plus en tant que tels. Ainsi l’organigramme remettait en cause le modèle de l’université assurant la conciliation de la formation et de la recherche par les enseignants-chercheurs, et organisait une recentralisation du pouvoir au sein de l’université ; alors qu’à l’UPEC, les UFR étaient relativement autonomes vis-à-vis de la présidence.
Les syndicats d’enseignants, de personnel administratif et étudiant ont fortement exprimé leur colère face à ce modèle d’organisation10 (voir ici, ici et là), ne comprenant pas que la grande université de 30 000 étudiants soit contrainte de s’aligner sur le modèle sur la petite université de 10 000 étudiants.
La direction de l’UPEC a réagi en tentant de calmer les esprits. Le vote du 26 juin ne portait plus sur la validation de la fusion avec ce modèle de gouvernance proposée, et il n’était plus question de remise en cause des UFR. Par conséquent, il était proposé au conseil d’administration de voter pour une motion qui donnait mandat à la présidence de poursuivre ses réflexions et sa concertation en faveur de la fusion.
Ma non-participation au vote
En l’absence des garanties demandées, notamment concernant la localisation de la présidence, mais aussi devant se prononcer sur une motion dont le texte n’engageait sur rien de précis, sauf une réflexion, j’ai proposé le report du vote, en attendant la formulation d’un projet plus détaillé. Face au rejet de la requête, j’ai décidé de ne pas prendre part au vote, considérant un vote sur une motion aussi floue peu légitime.11
La motion fut adoptée, avec 12 voix contre, 19 pour, deux (La région et le département) qui ne prirent pas part au vote.
Cette non-participation au vote de ma part n’est pas (et ne doit pas être prise) comme une défiance à l’encontre de la présidence, mais simplement comme une divergence de vues sur un point précis. Cela n’entravera pas la qualité des relations entretenues entre le Conseil départemental et l’UPEC.
2 Loi Pécresse : loi relative aux libertés et responsabilités des universités (dite loi LRU ou loi Pécresse), initialement intitulée loi portant organisation de la nouvelle université et communément appelée loi d'autonomie des universités est la loi no 2007-1199 du 10 août 2007.
Les grandes mesures sont :
- Une modification de la gouvernance : le conseil d’administration est plus restreint et intègre plus de personnalités extérieures issues des collectivités territoriales et du monde de l’entreprise, et intègre moins de membres syndicaux, qu’ils soient étudiants et enseignants ; les élections sont un scrutin de liste à un tour avec une représentation proportionnelle et une une prime majoritaire (la moitié des sièges est attribuée à la liste majoritaire), ce qui assure une majorité confortable au président d’université ; les pouvoirs du CA et du président sont renforcés.
- Une autonomie des universités : les universités ont l’autonomie budgétaire et des compétences en ressources humaines. Elles peuvent être financées par des fonds privés, elles peuvent créer des fondations fortement défiscalisées en ce qui concerne les dons.
(Loi relative aux libertés et responsabilités des universités ; Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (1))
3 Loi Fioraso : la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche (dite loi Fioraso) est la loi n02013-660 du 22 juillet 2013. Ses grandes mesures sont :
- Une modification de la gouvernance : une légère augmentation du nombre de membres au CA (entre 20 et 30 pour la loi Pécresse, entre 24 et 36 pour la loi Fioraso) avec un peu plus de représentants d’étudiants et du personnel administratif et technique.
- La coordination territoriale et regroupements : un seul établissement d’enseignement supérieur (ESR) organise la coordination territoriale sur un territoire donné ; chaque établissement d’ESR doit participer à un d’une fusion d’établissement, à la participation à une COMUE, ou participer via une association à un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel. Un seul contrat pluriannuel d’établissement (contrat de site) est conclu entre le ministère de l’ESR et la COMUE. Les Pôles de recherche et d’enseignement (PRES) supérieur créés par la loi de 2006 sont supprimés et remplacés par les COMUE.
(Loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche ; LOI n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche (1))
4 Contrats de site : contrat pluriannuel d’investissements (quinquennaux) entre l’Etat et une COMUE. Ce contrat est en deux parties : une partie commune à tous les établissements de la COMUE et une partie spécifique à chaque établissement. Ce contrat est la formalisation de la politique de formation, de recherche, de vie étudiante et d’internationalisation de la communauté d’universités pour les cinq prochaines années. C’est l’orientation globale de sa politique. Le contrat de site donne lieu à des fonds, l’Etat venant financer des projets de formation, de recherche, de vie étudiante en fonction de la pertinence des projets engagés et annoncés, mais aussi et surtout en fonction de l’adéquation du contrat de site avec les orientations politiques de l’Etat. (La politique contractuelle de site)
5 COMUE : communauté d’universités. Regroupement d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche sur un territoire donné. (Communauté d'universités et établissements ; Communautés d'universités et établissements : tutelle administrative et budgétaire du recteur d'académie)
6 CPER : Contrat de plan Etat – Région. Contrat conclu entre l’Etat et la région qui prévoit des investissements structurants pour la région, et ses modes de financements, avec une participation de l’Etat.
(Contrat de plan État-région ; Contrats de projets Etat-région)
8 CNRS : Centre national de la recherche scientifique. (www.cnrs.fr)
9 Les « organismes distincts des universités que sont, par exemple, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), premier publiant au monde, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), ou l'Institut Pasteur » n’entrent pas dans les classements internationaux. (Classement de Shanghaï : les universités françaises maintiennent leur rang)
10 Fusion Upec-Upem : les syndicats dénoncent une gouvernance hypercentralisée ; Créteil : ils veulent l’arrêt de la fusion avec l’université de Marne-la-Vallée ; Les syndicats demandent la suspension de la fusion Upec-Upem
11 CA de l'#UPEC, @val_de_marne n'a pas pris part au vote... ; Pour @val_de_marne un vote est le temps de l'engagement...