Les universités doivent rester publiques !
Les universités doivent rester publiques !
L’enseignement supérieur en France est en crise. Moyens financiers en berne, hausse du nombre d’étudiants non compensée par de l’argent supplémentaire, échec en licence, processus de fusion à tout-va.
Des budgets en baisse, une population étudiante en hausse
Les budgets des établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche sont en constante baisse en valeur relative. La dotation de l’Etat aux universités, qui représente l’essentiel des ressources des universités, était en 2014-2015 de 10,6 milliards d'euros pour 1,516 millions d'étudiants. Elle est gelée depuis 2010. Mais puisque la hausse du nombre d’étudiants est de 1 à 2% par an depuis plusieurs années et de 3% en 2015, avec 65 000 nouveaux arrivants, le budget est en réalité en baisse.
En 2015, le Gouvernement engagé dans sa politique d’austérité ponctionnait 100 millions d’euros sur le fond de roulement des universités. Certes, l’exécutif a décidé de revenir sur cette ponction et abonde le budget de 165 millions d’euros. Mais de l’avis, de tous, il manque a minima 200 millions d’euros.
Par ailleurs, si le Gouvernement voulait abonder le budget des universités proportionnellement à la hausse du nombre des étudiants, c’est 465 millions d’euros qu’il aurait fallu fournir aux universités. Enfin, les investissements en faveur de l’enseignement supérieur dans le cadre du Contrat de plan Etat-région 2015-2020 ont baissé de 42%.
Une autonomie des universités qui place d’autre part les établissements au pied du mur
Au gel de dotation de l’Etat s’ajoute l’autonomie des universités. Les universités sont désormais autonomes depuis la loi LRU de 2007 de gérer leur budget. La conséquence est double. D’une part, cette autonomie favorise une politique universitaire différente dans chaque établissement et donc la concurrence entre eux, la spécialisation, et la course à l’excellence et la sélection afin d’être visibles sur le plan international. D’autre part, la gestion autonome de la masse salariale, avec un très faible accompagnement de l’Etat.
Cette politique a entraîné durant les huit dernières années deux mouvements : une hausse mécanique des dépenses, suivie de plans d’austérité très forts dans les universités, de telle sorte qu’elles disposent de fonds propres, afin de parer aux baisses de dotations d’Etat. Ce sont ces fonds propres qui ont été siphonnés par l’Etat l’année dernière. Autrement dit, les universités se sont serrées la ceinture pour moins dépenser, et l’argent économisé a été récupéré par l’Etat. La conséquence directe est une dégradation des conditions de travail, des enseignants, des chercheurs et des étudiants, un manque de personnel enseignant et chercheur et un échec croissant pour les étudiants.
Des universités en quête d’argent
Dorénavant, les directions des universités sont à la recherche constante de fonds. Elles lorgnent fortement sur la hausse des droits d’inscription, mais craignent les mouvements étudiants. Alors elles développent trois politiques : la sélection, la formation tout au long de la vie, les fondations.
La sélection, bien qu’illégale aujourd’hui, est pratiquée dans les faits par toutes les universités, à des degrés plus ou moins élevées. Du fait de moyens publics faibles au regard des besoins, elles cherchent à ce que les coûts d’enseignement diminuent. La sélection des étudiants est ce moyen : elle fait baisser le nombre d’étudiants, et permet en même d’améliorer les statistiques de réussite (diplômes, insertion professionnelle), ce qui accroît l’attractivité de l’université au niveau national et international, et donc auto-entretient ce processus de sélection.
La formation tout au long de la vie (FTLV) est le bon aspect de ces nouvelles pratiques : les étudiants en alternance, en apprentissage, les réorientations professionnelles permettent aux universités de gagner de plus en plus d’argent. Les formations sont chères, mais la plupart du temps payées par les entreprises.
La loi LRU de Valérie Pécresse autorise les universités à créer des fondations, qui récolteront l’argent des entreprises privées, et qui viendront financer les formations. C’est donc l’entrée de l’entreprise privée dans l’enseignement supérieur et dans la recherche. Le risque est grand de ne plus pouvoir se passer des entreprises pour financer l’enseignement supérieur. Ainsi, puisque les entreprises financent, elles voudront à courte échéance avoir une voix prépondérante dans la politique des universités : choix des enseignements, des enseignants, choix dans la politique de recherche, choix dans la politique financière (droits d’inscription) et patrimoniale des universités. Le risque de voir l’argent gouverner le savoir est réel.
Le rapport sur la stratégie nationale de l’enseignement supérieur remis récemment au président Hollande préconise même de faire appel aux collectivités territoriales elles-mêmes confrontées à la baisse des dotations de l’Etat et à tous les autres financeurs privés : entreprises, fundraising, crowdfunding, réseaux d’anciens élèves etc…
La conséquence directe d’une telle politique est la concurrence accrue entre universités, et la dénaturation du service public, mais aussi les fusions et regroupements, porteurs de mutualisations et d’économies en tout genre.